Journaliste en danger (JED) est très préoccupée par la multiplication des attaques contre les médias enregistrées en RD Congo, au cours des derniers jours  marquant la fin du deuxième et dernier mandat constitutionnel du Président Joseph Kabila, prévu le 19 décembre 2016.


En l’espace d’une semaine, Journaliste en danger (JED) a comptabilisé au moins une dizaine de cas d’atteintes à la liberté de la presse ou à la sécurité des journalistes,  dans un contexte de répression brutale et violentes des manifestations anti-gouvernementales.

Les 19 et 20 décembre 2016, plusieurs milliers de manifestants sont sortis dans les rues à Kinshasa et dans les provinces,  pour exiger le départ du président Joseph Kabila dont le mandat constitutionnel a expiré le 19 décembre 2016 à minuit. Ces manifestations populaires initiées par l’opposition ont été violemment réprimées par un important dispositif policier et militaire déployé, la veille, dans les quartiers populaires de Kinshasa et de l’intérieur du pays. Selon le Bureau Conjoint des Nations Unies pour le Droit de l’Homme (BCNUDH), au moins 19 personnes ont été tuées par balles et 45 autres blessés lors des échauffourées entre les manifestants et les forces de l’ordre.

Si l’on n’a compté aucun mort ou blessé dans le rang des professionnels des médias, plusieurs journalistes nationaux et internationaux ont été, cependant,  malmenés dans l’exercice de leur profession. D’autres journalistes ont été interpellés et des médias muselés.
Ainsi donc, le mardi 19 décembre 2016 vers minuit, Canal Congo Télévision (CCTV) et Radio Liberté Kinshasa (RALIK), deux médias proches de l’opposition et propriétés de M. Jean-Pierre Bemba, ancien Vice-Président de la République en détention à Cour Pénale Internationale, ont vu leurs signaux d’émission coupés brusquement par les autorités du pays et cela, sans aucune explication jusqu’à ce jour.
Tous les efforts fournis par le responsable de ces deux médias pour contacter les différentes autorités qui gèrent le secteur des médias pour savoir pourquoi ces signaux ont été retirés sont restés vains. « Pendant toute la journée, toutes les autorités contactées nous ont tourné en bourrique. Il s’agit notamment du responsable du Téléconsult (ndlr : entreprise italienne partenaire du gouvernement congolais qui gère le centre d’émission des médias), du Président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) qui ont tout ignoré. Nous avons tenté, sans succès, de joindre au téléphone le ministre de la Communication et Médias. Le Ministre ne faisait que refouler nos appels », a déclaré le Directeur de CCTV.
Eliezer Thambwe, journaliste-présentateur de « Tokomi Wapi », un magazine diffusé sur les ondes de plusieurs médias de Kinshasa, a été arrêté en plein exercice de son métier, le 19 décembre 2016 vers 20 heures  dans la commune de Bandalungwa/Moulaert, par un groupe de militaires lourdement armés. Le journaliste a été brutalement jeté dans leur véhicule avant de fouiller de fond en comble sa voiture.  Eliezer Thambwe a été trimballé dans cette commune avant d’être relâché vers 22 heures. Il a été demandé au journaliste de cesser de « s’en prendre » au Président Joseph Kabila dans ses émissions, car il n’est pas un « super journaliste », lui ont-ils fait savoir


Badylon Kawanda
, journaliste à la Radio Tomisa, chaîne confessionnelle émettant à Kikwit, chef-lieu de la province de Kwilu (Sud-ouest de la RDC), a été séquestré pendant environ deux heures, le samedi 17 décembre 2016, au bureau local du service des renseignements militaires pour avoir diffusé, la veille, un communiqué tirée du site de la Voix de l’Amérique ayant comme titre : « Washington demande aux ressortissants américains de quitter la RDC avant le 19 décembre ».

Selon le directeur de ce service des renseignements militaires, étant une radio confessionnelle, la Radio Tomisa, ne doit pas suivre le modèle de la Radio Okapi ou  des autres chaines internationales en diffusion de telles nouvelles.


Des journalistes belges de RTBF, VRT et ceux de la Télévision Matonge
 ont été interdits d’accès, jeudi 15 décembre 2016, à la résidence de l’opposant Etienne Tshisekedi et moins encore, tenus au respect à près de 200 mètres de là par la police anti-émeute déployés dans la commune de Limete.
Peter Verlinden, journaliste Belge spécialiste de l’Afrique, avec son équipe de la VRT et des collègues de VTM ont été expulsés, le vendredi 16 décembre 2016, de la RDC par les autorités du pays.

Peter Verlinden était arrivé jeudi à Kinshasa avec son équipe et s’était présenté vendredi au ministère de la Communication et Médias pour finaliser son accréditation. Il a alors été  retenu durant plusieurs heures en même temps qu’une équipe de la chaîne privée flamande VTM. Les journalistes belges ont finalement été embarqués de force vendredi soir dans un vol à destination de Bruxelles.

 « Jeudi déjà nous avions eu des difficultés pour obtenir notre accréditation pour pouvoir travailler au Congo. Vendredi  nous avons été convoqués sous un faux prétexte au ministère de l’information mais c’était un piège. Nous avons été arrêtés par le service de l’immigration et détenu toute la journée. On nous a aussi confisqué nos gsm. On nous reprochait des erreurs dans les visas, mais tout était en ordre », a souligné Peter Verlinden.

Selon lui, il s’agit clairement d’une décision politique. « Le ministre congolais de l’information Lambert Mende n’a certainement pas apprécié notre présence. On a trouvé un truc pour nous expulser, pour nous empêcher de faire notre travail dans une période agitée pour le président Kabila », a déclaré Peter Verlinden à ses confrères de la presse internationale.

Cette équipe avait été envoyée en RDC pour couvrir la situation qui prévaut dans le pays, agité par des tensions politiques à l’approche de la fin du mandat du président Joseph Kabila.

 

Sylvain Mukendi, journaliste à la Radiotélévision Espérance, station émettant à Kananga, chef-lieu de la province du Kasaï Central, a été copieusement tabassé devant la résidence du Gouverneur de province, le samedi 17 décembre 2016 à 19 heures 30’, par deux militaires commis à la sécurité du gouverneur.

Le journaliste revenait de sa rédaction au moment où il s’était fait entourer de deux militaires armés qui lui ont demandé de présenter ses pièces d’identité. Brandissant sa carte de presse, Sylvain Mukendi a été dépouillé de tout son matériel de travail, notamment l’enregistreur, l’appareil photo et les téléphones portables. C’est alors qu’il sera passé à tabac sous prétexte qu’il n’a pas respecté les consignes du couvre-feu décrété par les autorités provinciales à 21 heures.

Dédé Kabangu, journaliste à la Radio Télévision Nationale Congolaise (RTNC), antenne provinciale de Mbuji-Mayi, chef-lieu de la province du Kasaï Oriental (Centre de la RDC), et accrédité au gouvernorat de province, a été gravement violenté, le jeudi 22 décembre 2016, dans les installations du gouvernorat de province par un groupe d’agents de police commis à la sécurité du gouverneur Alphonse Ngoyi Kasanji. Ces gardes du gouverneur se sont attaqués au journaliste pour n’avoir pas couvert le jeudi 22 décembre 2016 vers 6 heures une activité du gouverneur.

En effet, le gouverneur de la province du Kasaï Oriental devait effectuer, dans la matinée, une marche à pieds à travers la ville de Mbuji-Mayi pour notamment constater de visu si la population locale vaquait à leurs occupations quotidiennes à la suite des manifestions du 19 décembre initiées par l’opposition. Le gouverneur Ngoyi Kasanji a dû regagner son bureau quand il a remarqué l’absence des journalistes pour la couverture médiatique de son activité.

De retour au gouvernorat de  province, les gardes rapprochées du Gouverneur ont passé à tabac le journaliste Dédé Kabangu en promettant des représailles sévères à d’autres journalistes-accrédités au gouvernorat, notamment MM.Vicky Kazumba et Vincent Ngoy, respectivement journalistes à la Radiotélévision Océan pacifique et à la RTNC.

Journaliste en danger (JED) s’inquiète de cette dégradation profonde et préoccupante du climat de travail des journalistes nationaux et étrangers en RDC. Pour JED, ces attaques ciblées contre les journalistes ne constituent pas des incidents isolés, ni des bavures policières, mais s’inscrivent bien dans une démarche de répression programmée et assumée des droits et des espaces de liberté dont celle de la presse.

JED dénonce ces atteintes à la liberté de l’information, et appelle les autorités congolaises à s’engager effectivement dans la décrispation du climat politique tendu qui règne actuellement en RD Congo.

Catégories : Actu-média

jedafrique

• Organisation non gouvernementale de défense et de promotion de la liberté de la presse • Membre de International Freedom of Expression Exchange (IFEX, Toronto) • Membre du Réseau international de Reporters sans frontières (RSF Network, Paris) • Membre du Réseau des Organisations africaines de défense de la liberté d’expression (AFEX)

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