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Colloque sur « Les trésors naturels de la RDC »
République démocratique du Congo
En organisant ce Colloque sur « Les trésors naturels de la RDC », avec un sous-thème sur : « Le rôle des médias dans le processus de démocratisation », les organisateurs voudraient sans doute évaluer la situation actuelle de la presse congolaise et ses possibilités d’action pour accompagner le processus de transition actuelle vers l’organisation des élections « libres, démocratiques et transparentes » que tout le monde appelle de tous ses vœux.
Car, en définitive, seul un Etat démocratique peut garantir une meilleure gestion des ressources naturelles dont regorge la RDC.
- Introduction
Depuis le processus de démocratisation en cours, plusieurs rencontres, séminaires et ateliers ont eu lieu, en RDC même ou à l’extérieur, pour parler du rôle ou des rôles des médias, soit dans le processus de paix ; soit dans la réconciliation nationale ; soit encore dans la Bonne gouvernance. Et aujourd’hui, le rôle des médias avant, pendant et après les élections, est un sujet d’actualité.
La caractéristique commune de tous ces débats autours des médias, c’est qu’ils reconnaissent la « force » des médias qui peuvent être la meilleure ou la pire chose dans une société. En réalité, cette « force » ne devrait être ni surestimée, ni sous-estimée. Les médias « quatrième pouvoir » seront inopérant en l’absence des trois autres pouvoirs traditionnels que sont : l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire.
En organisant ce Colloque sur « Les trésors naturels de la RDC », avec un sous-thème (de plus ?) sur : « Le rôle des médias dans le processus de démocratisation », les organisateurs voudraient sans doute évaluer la situation actuelle de la presse congolaise et ses possibilités d’action pour accompagner le processus de transition actuelle vers l’organisation des élections « libres, démocratiques et transparentes », selon une formule quasi consacrée au Congo.
Ceci d’autant mieux que le rôle traditionnel des médias demeure le même, en temps de paix ou en temps de guerre, avant les élections ou pendant les élections. A savoir que, les médias ont pour rôle d’informer, d’éduquer et de distraire, et que les journalistes en tant qu’acteurs des médias ont pour tâches de collecter, de traiter et de diffuser des informations et des idées à même d’intéresser le public, et qui sont nécessaires pour un débat démocratique dans un pays.
Pour pouvoir faire correctement ce travail de collecte, de traitement et de diffusion de l’information, le journaliste doit être libre. Cette liberté sous –entend que le journaliste puisse librement accéder à toutes les sources d’information, traiter librement ses informations et les diffuser aussi en toute liberté. Le seul objecteur de conscience du journaliste étant le public auquel il s’adresse. Et pour le public, la diversité et la pluralité de l’information suppose qu’aucun domaine de la vie publique ne peut constituer un tabou dans les informations qu’il attend, et de la part de tous les médias auxquels il a accès.
Le droit d’informer qui incombe au journaliste, et le droit du public à être informé, qui procèdent de l’exercice de la liberté de la presse , tirent leur fondement juridique de trois principaux instruments juridiques internationaux que la plupart des Etats du monde ont ratifiés, y compris la RDC. Il s’agit de : la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) et la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP).
A titre d’illustration, nous citerons l’article 19 de la DUDH qui stipule et nous citons, que « Tout individus a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».
Dans la pratique cependant, force est de constater que des hommes politiques, des chefs des Eglises indépendantes, des syndicalistes et même des journalistes continuent à être inquiétés et emprisonnés chaque fois qu’ils usent de leur liberté d’opinion pour donner un jugement de valeur sur tel ou tel acte posé par des membres du gouvernement. Les journalistes qui enquêtent sur la corruption, les détournements des fonds publics, et le pillage des ressources subissent souvent des sévères représailles de la part des fonctionnaires corrompus ou des personnes impliqués dans l’exploitation illégales des ressources.
Deux exemples suffisent :
- A Lubumbashi, le pasteur, Albert Lukusa, chef de l’Eglise indépendante « Nouvelle Cité de David » a été arrêté et placé en détention à la prison centrale de la Kasapa pendant plus de deux mois pour avoir fait, au cours d’une prédication le 30 juin 2004, l’état des lieux du pays. Albert Lukusa a considéré que le gouvernement était « incapable de répondre aux besoins élémentaires des populations ».
La Radio Hosanna, propriété du pasteur Lukusa, a été fermée et son matériel confisqué jusqu’au 28 octobre 2004 pour avoir diffusé cette prédication. Quelques temps seulement après sa libération, le Pasteur a trouvé la mort dans des conditions mystérieuses qui n’ont jamais été élucidées.
- Depuis l’assassinat, au mois d’août dernier, à Bukavu, à l’Est de la RDC d’un défenseur des droits de l’homme, les medias et les journalistes de cette province vivent dans un climat de peur épouvantable. Pascal Kabungulu Kibembi, agé de 55 ans, et que la plupart des journalistes considéraient comme un confrère, a été assassiné par balles à son domicile, en présence de sa famille, par deux hommes en uniforme armés de fusils et de couteaux qui étaient entrés par effraction à son domicile, en pleine nuit. « Aujourd’hui est ton dernier jour. Tu te crois invincible à cause de ce que tu écris et déclare dans les journaux et les radios », lui auraient-ils dit, avant de l’abattre.
Après les enquêtes menées par Reporters Sans Frontières (RSF,organisation internationale de défense de la liberté de la presse) sur place, tous les soupçons se sont portés sur un certain lieutenant –colonel Thierry Ilunga, un ancien cadre de la rébellion du RCD-Goma soutenu alors par le Rwanda et l’Ouganda. En mai 2003, le lieutenant-colonel Ilunga avait publiquement menacé de mort le militant des droits de l’homme après que celui-ci avait publié un rapport sur les pillages des ressources minières du Kivu organisé par son mouvement armé.
Depuis, cet assassinat, la plupart des journalistes à Bukavu avouent qu’ils préfèrent, soit quitter la ville, soit se taire sur ce qu’ils savent pour ne pas risquer leur vie.
Cette communication se propose donc de faire l’état des lieux de l’exercice du métier d’informer en RDC, d’analyser les pesanteurs qui empêchent la presse de jouer le rôle qu’on attend d’elle, et de proposer des actions à même de favoriser une contribution positive des médias dans la reconstruction de « la maison commune » des congolais.
- L’état des lieux
Avec ses 120 radios associatives et communautaires sur les 200 stations existantes ; plus de 60 chaînes de télévision, et près de 250 journaux répertoriés, la RDC connaît une sorte de boom médiatique que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier d’overdose ?
Paradoxalement, le dernier classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières (RSF), en 2005, indique que la RDC (146 ème sur 167 pays répertoriés) figure parmi les pays où il ne fait pas toujours bon d’être journaliste.
Selon les statistiques de Journaliste en danger (JED), depuis le début de cette année 2005, au moins 53 journalistes ont été privés de leur liberté pendant une plus ou moins longue période, pour avoir dit ou publié des informations. D’autres ont subi des menaces ou des agressions.
Le motif souvent invoqué pour ces arrestations et interpellations des journalistes est « l’imputation dommageable ou la diffamation » que le Code pénal congolais définit comme le fait d’imputer à autrui des faits précis, vrai ou faux, de nature à porter atteinte à la considération de la personne qui s’estime lésé par un article de presse.
Concrètement, cela signifie que si un journaliste découvre et publie, documents à l’appui, que tel ou tel responsable d’entreprise détourne des fonds publics, il sera condamné à une peine de prison. La loi congolaise sur la diffamation ou l’imputation dommageable se soucie peu de savoir si ce que le journaliste a dit concernant la corruption ou le détournement, est vrai ou faux. Seul compte pour le juge « l’honneur ou la dignité » de la personne qui s’estime lésée. Autrement dit aussi, « l’honneur et la considération d’un responsable qui détourne l’argent public ou pille son pays est plus important que la collectivité qui perd des moyens de son développement ».
Des exemples des mal jugés qui émaillent les affaires judiciaires en RDC peuvent être multipliés à souhait. Ils indiquent, si besoin en est encore, que des journalistes qui enquêtent sur des affaires de corruption, de détournement et de pillage des ressources deviennent la cibles, et subissent des représailles et des menaces des fonctionnaires corrompus, grâce à leurs relations dans la magistrature, la police ou les services de sécurité.
Un journaliste, Jean-Marie Kanku, directeur d’un journal indépendant « L’Alerte » a passé un mois en prison sans jugement pour avoir rapporté que la Ministre de Affaires humanitaires et de la Solidarité avait détourné une partie d’argent destiné aux populations sinistrées du Sud-Kivu.
Certes qu’aujourd’hui, les attaques contre la presse ne sont pas aussi brutales qu’à l’époque de feu le Président Laurent Désiré Kabila. Sous Kabila fils, les méthodes de répression sont parfois plus subtiles, au travers des organes officiels chargés de faire la régulation des médias mais qui sont totalement inféodés au pouvoir en place et exécutent leurs décisions.
Ainsi en est-il de la suspension par la HAM, le 19 septembre 2005, de trois organes de presse paraissant à Kinshasa dont le tort est d’avoir publié un article faisant état d’un don de 30 millions USD de la RDC remis au secteur
éducatif de la République de Tanzanie au moment où un conflit de travail
oppose en RDC le gouvernement aux syndicats du secteur de l’enseignement.
Selon la HAM « cet article contient des propos non vérifiés, des imputations
dommageables.
Dans un certain nombre de cas, les journalistes eux-mêmes donnaient les prétextes à leurs bourreaux en ne respectant pas les règles élémentaires d’éthique et de déontologie qui régissent leur profession. Ainsi, on a pu assister, il y a quelques mois , à l’approche de la date du 30 juin 2005 marquant la fin de la première phase de la transition, à une inquiétante montée du discours d’intolérance, d’incitation à la haine et à la violence dans certain médias publiques et privés.
Ce discours est généralement porté par des hommes politiques pour des raisons électoralistes ou pour disqualifier leurs adversaires politiques. Et ce sont ces mêmes acteurs politiques qui instrumentalisent des médias précarisés et des journalistes sous payés.
C’est ici qu’il convient de noter un phénomène tout aussi inquiétant qu’on pourrait appelé : « Un ministre, une radiotélé ». Il s’agit de l’intrusion des hommes politiques dans le monde des médias. Aujourd’hui, plus d’un ministre contrôle de près ou de loin une station de radio ou une chaîne de télévision. Rien qu’avec le temps d’antenne réservé à tel ou à tel autre, on comprend vite à qui appartient la chaîne ou à quel parti politique elle n’obéit.
Le danger, c’est que plus on va approcher des élections, et plus chacun va restreindre l’accès au média qu’il contrôle aux autres. Mais surtout, les propriétaires de ces nouveaux médias, eux-mêmes impliqués dans les violations de droits de l’homme et au centre des affaires sales de corruption et de pillage ne peuvent pas se faire hara-kiri en publiant des informations qui les mettent en cause.
Le conflit récurrent entre le Ministre de la Presse et Information et le Président de la Haute Autorité des médias (HAM) sur le champs de compétence de l’un et de l’autre, est à ce point révélateur d’une guerre meurtrière qui s’annonce pour le contrôle des médias publics à l’approche des échéances politiques majeures.
- Rôle et attitude des médias
Il n’est un secret pour personne que bon nombre de conflits en Afrique, et particulièrement en RD Congo, trouvent leur fondement dans l’absence ou le déficit de la Bonne gouvernance. Et la Bonne gouvernance ne peut se concevoir sans la transparence, laquelle permet aux médias d’accéder aux sources et d’informer le public.
Or, depuis la fin du régime Mobutu et l’avènement du nouveau pouvoir de l’AFDL (Alliance de forces démocratiques pour la libération, soutenue par le Rwanda et l’Ouganda), des accords politiques, économiques et militaires ont été signés dans la plus grande opacité entre les différents belligérants de la guerre en RDC. Et c’est au nom de ces mêmes accords obscurs que des contrats léonins ont été signés à tour de bras avec des entreprises étrangères et des sociétés écran, sans la moindre préoccupation de sauvegarder les intérêts de l’Etat congolais.
Il en résulte que ce pays qui sort déjà exsangue de plusieurs années de guerre dit de pillage de ses ressources par des forces étrangères, est à présent saigné par ses propres fils, et que bon nombre d’acteurs n’ont aucun intérêt à ce que le processus en cours aboutissent effectivement à l’organisation des élections libres et transparentes qui, signifierait la fin de la ruée vers l’enrichissement personnel.
Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer la production médiatique de ces derniers mois profondément marquée par la multiplication des scandales financiers à tous les niveaux ; des révélations inédites sur des cas des détournements des fonds publics ; des cas avérés de corruption et de concussion. Certains journaux de Kinshasa, n’ont pas hésité à qualifier cette situation de « génocide financier »
Si une telle situation perdurait, elle aura à coup sûr un impact négatif sur la suite du processus de normalisation en cours.
Notre Organisation qui croit en la capacité des medias à jouer leur rôle de quatrième pouvoir dans une démocratie, est convaincu que « c’est seulement quand les journalistes sont libres de surveiller, enquêter et critiquer les politiques et les actions de l’administration publique que la Bonne gouvernance peut prendre racine ». En plus, JED estime que « la culture du secret touts azimuts favorise les détournements, la corruption, et partant la mauvaise gestion de la Res publica ».
Raison pour laquelle, eu égards aux affaires d’argent qui ont alimenté et qui alimentent encore l’actualité nationale, et en perspective des échéances électorales qui se profilent à l’horizon et dont tout le monde souhaitent qu’elles soient libres, démocratiques et transparentes, Journaliste en Danger (JED) a lancé depuis le mois de mai 2005, une Campagne nationale en faveur de la transparence dans la gestion du pays et de l’Etat à tous les niveaux.
Cette campagne dont le slogan est « Tout savoir. Rien à cacher » a été lancé à l’occasion de la célébration, le 03 mai de chaque année, de la journée mondiale de la liberté de la presse qui, cette année, a été placée sur le thème : « Médias et Bonne gouvernance ».
Le moment est venu, nous semble-t-il, d’ouvrir grandes les portes de nos administrations et instituions publiques afin de permettre, d’une part aux médias, d’accéder aux sources et d’informer correctement le public ; et d’autres part, au souverain primaire de se déterminer le moment venu en sachant qui est qui, qui fait quoi,, et pour quelle finalité.
L’objectif global, à termes, c’est de contribuer tant soit peu, à l’émergence d’une culture de la bonne gouvernance dont la transparence constitue la condition sine qua non. Et aussi, éduquer la population à savoir demander des comptes à ceux qui prétendent agir en son nom.
Cette culture ne peut devenir une réalité que si une loi sur la transparence ou l’information publique fait obligation aux gestionnaires publiques à tous les niveaux de divulguer au maximum toutes les informations non couvertes par le secret pour des raisons d’intérêt général du pays. (Bien entendu, l’intérêt général n’est pas l’intérêt des individus même quand ils incarnent l’Etat). Cette Loi de divulgation maximale des informations publiques permettra aux journalistes d’accéder aux sources d’information et, par ricochet, aux populations d’être informé sur la manière dont ses mandataires gèrent la République.
L’obligation de divulgation maximale des informations ne peut être effective que si elle est accompagnée des sanctions pour tout ceux qui refusent de s’y conformer parce qu’ils ont des choses à cacher dans le seul but de maintenir leur confort.
Pour cela, la RDC a besoin d’une justice indépendante et des Magistrats crédibles et au dessus de tout soupçon qui feront le vœu de ne servir que le droit et la loi, en âme et conscience. Et ce sera le glas de l’impunité qui fonde notre système de gouvernance à ce jour.
- Conclusion
Au moment où tout le monde embouche la trompette des « élections libres et transparentes », il convient plus que jamais de souligner le rôle important des médias qui permettent, par leur couverture des campagnes politiques et autres événements électoraux, aux citoyens de disposer des éléments déterminants pour l’appréciation des programmes des candidats, favorisant ainsi leurs choix définitifs.
Et c’est l’action des mêmes médias, agissant comme « chiens de garde » (Watch dogs) qui permet de mettre en lumière des initiatives frauduleuses ou douteuses. Ce rôle de chien de garde est d’une grande importance car c’est par lui et grâce à lui que le processus électoral gagnera en transparence.
A quelques mois de la fin de l’interminable transition congolaise, nombreux sont les observateurs qui constatent que certains gestionnaires de la Res publica à tous les niveaux de responsabilité semblent également engagés dans une course effrénée pour l’enrichissement personnel ou pour se constituer des moyens de leur action politique.
Plus que jamais aujourd’hui pour la RDC, une réforme du cadre juridique de l’exercice de la liberté de la presse s’impose et devrait concerner principalement la suppression des lois qui autorisent les emprisonnements des journalistes pour des délits de presse tels que la diffamation, les fausses nouvelles ou l’offense aux autorités qui ouvrent la voie à tous les abus.
La dépénalisation des délits de presse dont JED a fait son cheval de bataille ne doit pas être considérée comme un cadeau du Prince pour bonne conduite, mais comme une exigence de la démocratie, et une condition qui permette au journaliste de travailler en toute liberté et quiétude sans cette Epée de Damoclès suspendue sur sa tête du fait qu’il peut être envoyé en prison à tout moment, même pour avoir diffusé une information vraie et vérifiable.
Avant de terminer, je voudrais paraphraser l’ancien Président sénégalais, M. Abdou Diouf, aujourd’hui Secrétaire général de la Francophonie qui déclarait récemment : « A quoi sert cette liberté de la presse si les journalistes n’ont pas les moyens de s’en servir ? Si leur condition matérielle est si déplorable, si indigne, qu’ils sont vulnérables à toutes les tentations et à toutes les manipulations, qu’ils ne disposent pas des moyens matériels d’aller, en tout
A la Conférence de Bruxelles sur l’exploitation illégale des ressources de la RDC, JED soutient son projet d’une Loi sur la Transparence avant les élections….
Une Conférence d’experts réunie à Bruxelles, du 23 au 24 novembre 2005, et regroupant des représentants de la Société civile venus aussi bien de la RDC que d’autres pays d’Europe et d’Amériques sur le thème : « Les trésors naturels de la RDC : sources de conflits ou clé de développement ? », a conclu à un constat amer : « Les ressources naturelles du Congo n’ont bénéficié qu’à une fraction infime de sa population sans procurer un développement socio-économique à la majorité de ses citoyens ».
Cette réunion a eu lieu à un moment crucial, à quelques mois des élections générales, à l’initiative de « Fatals transactions », un programme économique du Netherland Institute for Southern Africa (NIZA), une organisation non gouvernementale hollandaise qui soutient également des projets de développement des médias en RDC.
Les participants, parmi lesquels des présidents délégués généraux de la Gécamines et de la Miba, ainsi que Monsieur Lutundula Apala, Président d’une Commission spéciale du Parlement chargée d’examiner la validité de tous les contrats signés durant les guerres de 1996 et 1998, ont recommandé au gouvernement congolais, notamment, de publier les résultats de ces enquêtes, ainsi que les audits des registres miniers du Ministère des mines et du Ministère des finances, afin de confirmer la transparence en la matière.
Le Secrétaire général de JED, Tshivis Tshivuadi, intervenant en plénière de cette conférence sur le rôle des médias dans la bonne gouvernance des ressources naturelles de la RDC, a réaffirmé l’urgente nécessité pour ce pays, théoriquement engagé dans la bonne gouvernance, des se doter d’une Loi nationale sur la transparence et l’information publique. Extrait de cette communication.
« Depuis la fin du régime Mobutu et l’avènement du nouveau pouvoir de l’AFDL (Alliance de forces démocratiques pour la libération, soutenue par le Rwanda et l’Ouganda), des nombreux accords politiques, économiques et militaires ont été signés dans la plus grande opacité entre les différents belligérants de la guerre en RDC. Et c’est au nom de ces mêmes accords obscurs que des contrats léonins pour l’exploitation des ressources naturelles de la RDC ont été signés à tour de bras avec des entreprises étrangères et des sociétés écrans derrière lesquelles se cachaient souvent des têtes couronnées du microcosme militaro politique congolais, sans la moindre préoccupation de sauvegarder les intérêts de l’Etat congolais. Le secteur des mines est le plus frappé par ces prédateurs, parfois cachés sous des faux habits de « nationalistes ».[1]
Alors qu’on approche de l’organisation des premières élections « libres, démocratiques et transparentes », aucune démocratie digne de ce nom ne pourra s’instaurer en République démocratique du Congo sans la transparence dans la gestion de la chose publique, laquelle permettra au journaliste d’accéder aux sources d’informations et d’informer correctement le public.
C’est l’action des médias, agissant comme « chiens de garde » (watchdogs) qui permet de mettre en lumière l’exploitation frauduleuse des ressources, et la corruption qui accompagne généralement la signature des contrats miniers.
Or, à ce jour, aucune loi ne fait obligation aux gestionnaires publiques à tous les niveaux de divulguer au maximum toutes les informations publiques non couverte par le secret pour des raisons d’intérêt général du pays.
Bien au contraire, les journalistes qui enquêtent sur la corruption, les détournements des fonds publics, et le pillage des ressources subissent souvent des sévères représailles de la part des fonctionnaires corrompus ou des personnes impliqués dans l’exploitation illégales des ressources.
Plus inquiétant encore, est l’intrusion des hommes politiques dans le monde des médias. Aujourd’hui, plus d’un ministre contrôle de près ou de loin une station de radio ou une chaîne de télévision. Dès lors, ces nouveaux propriétaires des médias, eux-mêmes impliqués dans des violations des droits de l’homme, et qui se trouvent au centre des affaires sales de corruption et de pillage ne peuvent se faire hara-kiri en publiant des informations qui les mettent en cause.
Il est important dès lors que les journalistes qui enquêtent sur la corruption et le pillage des ressources, ainsi que les médias qui en informent le public soient défendus et protégés. Il s’agit aussi bien d’une protection physique sur le terrain des investigations, que d’une sécurité juridique et institutionnelle, au travers la suppression des lois qui autorisent les emprisonnements des journalistes ; ainsi que l’adoption d’une loi sur la transparence et l’information publique ».
On assiste, depuis dix années consécutives, à une escalade des hostilités entraînant des souffrances humaines presque indescriptibles. De Goma à Kinshasa, PID, assassinats, enfants soldats, réfugiés et actes de génocide (impliquant les milices Hema, Lendu, Banyamulenge et Mai Mai) demeurent des problèmes gravissimes en RDC et ont des conséquences dévastatrices sur tous les pays de la Région des Grands Lacs.
Il est certes important de noter que des efforts ont été consentis au niveau étatique sous-régional pour résoudre le problème du conflit en RDC. Le Dialogue intercongolais (DIC) qui s’est tenu à Sun City en Afrique du Sud a réuni près de 360 délégués pendant 53 jours du 25 février au 2 avril 2002 pour un coût estimé à 37 millions de Rand sud-africains. Cette réunion a permis de conclure des accords sur la formation d’un gouvernement de transition, mais n’ont pas permis de convenir d’une formule du partage du pouvoir au sein du nouveau gouvernement.
Principalement préoccupé par le partage du pouvoir politique et intitulé Accord politique pour la gestion consensuelle de la transition en République Démocratique du Congo, l’Accord de Sun City a été signé à l’origine par près de 70% des délégués, issus principalement du gouvernement de la RDC et du MLC. Le RCD et quelques-unes des autres parties non armées ont refusé de le signer.
Néanmoins, les hostilités se sont poursuivies dans l’Est et le Nord-Est de la RDC, même après que les belligérants eurent signé l’accord de paix. Il y a plus d’un an, des combats entre les factions tribales des milices Hema et Lendu ont généré des effets dévastateurs sur la sécurité humaine. Dans son rapport pour 2003, Human Rights Watch indique que plus de 5.000 civils innocents ont été tués dans les villes (Bunia) et dans les campagnes (agglomération de Nyakunde) de la région de l’Ituri.
Le Conseil de sécurité des Nations Unies a répondu, dès le mois de mai 2003, par le déploiement de 1.000 hommes de troupes sous commandement français dont le principal objectif politique était de mettre un terme au carnage de Bunia. Fin juillet 2003, le Conseil de sécurité a mandaté un contingent de maintien de la paix supplémentaire de 2000 hommes pour remplacer les troupes françaises dont le mandat avait expiré en septembre 2003[2].
En outre, les médias dans la région avaient dès la mi-2003 révélé que les gouvernements ougandais et de la RDC fournissaient des armes aux milices Lendu et au RCD – Mouvement de Libération (RCD-ML), tandis que le Rwanda fournissait des armes aux milices Hema, à l’Union Patriotique de Congo (UPC) et aux factions RCD-Goma. Le problème des enfants soldats est une conséquence sécuritaire et sociale de ce conflit qui est très marquée dans l’Est et le Nord-Est de la RDC. En s’autoproclamant autorité politique dans l’Est de la RDC, le long de la bande frontalière commune avec le Rwanda, le RCD-Goma a occupé illégalement la région dès le mois de juillet 2003.
Pour analyser et comprendre les différents positionnements des médias dans ces conflits, il semble intéressant de s’arrêter sur une série de facteurs qui influencent fortement la manière dont évolue le paysage médiatique et je vais les regrouper en trois domaines principaux qui constituent aussi 3 champs d’interrogation :
- Les médias eux-mêmes, c’est-à-dire leur structuration interne et leur mode de production ;
- L’attitude des pouvoirs (publics ou de contestation) vis-à-vis des médias (la situation légale et réglementaire, les atteintes à la liberté de la presse, la situation des médias publics),
- L’environnement professionnel (les associations professionnelles, les relations des médias avec leur public).
- La structuration interne des médias et leur mode de production
Si l’on se penche sur les contenus véhiculés par les médias en période de crise, on constate souvent des dérives par rapport aux règles du professionnalisme. Ces dérives peuvent s’avérer lourdes de conséquences pour les populations.
Bien sûr, en écoutant le catalogue que je vais vous énoncer, vous penserez tous à l’expérience de la RTLM, la radio télévision libre des mille collines, qui a participé activement à l’exécution du génocide des Tutsi au Rwanda et a traumatisé tout un continent. Toutefois, certains de ces traits transparaissent sans doute aussi, de manière moins prononcée, dans bien d‘autres médias que vous connaissez.
Structurellement, plusieurs facteurs favorisent le type de dérive que l’on vient d’évoquer.
- D’abord, une carence généralisée en formation. Dans 4 de ces 6 pays d’Afrique Centrale, il n’existe pas d’école de journalisme digne de ce nom. Dans les deux pays qui disposent d’une école jadis célèbre (l’IFASIC, ex-ISTI à Kinshasa et l’ESSTIC, ex-ESSIJY à Yaoundé), celle-ci ne parvient plus à assurer la qualité de ses enseignements pour des raisons financières et matérielles. Toutefois, l’argument du manque de formation, fréquemment évoqué pour expliquer les dérives, n’est pas entièrement convaincant. Dans les pays qui ont connu des « médias de la haine », ces derniers étaient souvent aux mains de professionnels conscients de ce qu’ils faisaient. La RTLM n’était pas dirigée par des incultes ; les médias de la haine en Serbie ou en Côte d’Ivoire non plus.
- Deuxièmement, nous avons mentionné tout à l’heure que les premiers médias privés étaient nés, dans la région, au début des années 1990, conjointement au multipartisme, on peut même dire dans le giron des nouveaux partis politiques. Certains de ces médias sont donc plus au service d’un parti ou d’un homme politique qui, dans une situation de conflit, peut devenir une partie belligérante, que du citoyen et de l’information honnête et rigoureuse. Ainsi, au Congo Brazzaville par exemple, au moment où la guerre battait son plein à Brazzaville en 1998, les différents journaux proches des tendances politiques (qui disposaient chacune de leur milice) – Kolélas, Lissouba et Sassou Nguesso – avaient chacun leur siège dans la zone contrôlée par leur parrain dont ils défendaient les positions. Les rares titres qui, comme La Semaine africaine, liée à l’Eglise catholique, essayaient de rester neutres, se sont retrouvés sans défense dans le tourmente, plusieurs fois pillés, ou obligés de se placer sous la protection d’une milice.
En RDC aujourd’hui, chacun des 4 vice-présidents dispose de sa chaîne de télévision privilégiée. Jean-Pierre Bemba possède lui-même deux chaînes qui avaient d’ailleurs été nationalisées par le ministre Sakombi sous Kabila père. Il arrive également que les médias soient détenus par des hommes d’affaires qui ont des intérêts dans le conflit, ce qui entrave l’indépendance des journalistes.
- Troisièmement se pose évidemment la question des moyens financiers. La guerre génère souvent des coûts supérieurs pour les médias qui veulent en rendre compte et couvrir les combats. Se déplacer sur le terrain est difficile pour des médias démunis qui disposent à peine de moyens de déplacement dans la capitale. Au Tchad, il est pratiquement impossible pour les journalistes de la presse privée à N’Djamena de se rendre sur les lieux des affrontements entre forces gouvernementales et rebelles qui se trouvent au Nord du pays, à plusieurs milliers de kilomètres. A deux reprises, le gouvernement a organisé lui-même des déplacements sur le terrain pour les journalistes auxquels il souhaitait présenter des villes ayant subi l’assaut des rebelles. Toutefois, la vigilance des journalistes à dénoncer également les violences commises par l’armée dans ces mêmes localités sur les populations civiles considérées comme complices a entraîné la fin de ces initiatives. Le manque de moyens matériels, les difficultés concrètes de collecte, de production et de distribution de l’information expliquent parfois (mais ne justifient pas) le manque d’équilibre dans la présentation des événements.
- Autre obstacle financier : le faible salaire des journalistes. Dans beaucoup de médias de la région, les journalistes sont peu ou pas du tout payés. Qu’ils soient du secteur public ou privé, ils sont souvent confrontés à des problèmes de survie, ce qui les rend sensibles aux pressions accompagnées de gestes financiers. Les périodes de guerre sont d’ailleurs souvent des moments de crises économiques pour les médias qui éprouvent des difficultés d’approvisionnement en matières premières (c’était le cas de médias burundais sous l’embargo, mais les éditeurs de la RDC ou de la République centrafricaine peuvent également en témoigner), voient leur public paupérisé (par exemple, le lectorat de Bukavu ou de Brazzaville durant la guerre) et les annonceurs disparaître. Sans compter les déprédations que peuvent subir les installations et les équipements, qui génèrent des coûts récurrents de renouvellement du matériel. Pour revenir à la Côte d’Ivoire, les infrastructures et le matériel de journaux comme 24 Heures ont été fréquemment saccagés depuis deux ans.
On note, dans tous les pays, des expériences remarquables de médias qui ont pu continuer, souvent, il faut le reconnaître, grâce à l’appui de coopérations étrangères, à :
- informer de manière rigoureuse et honnête dans les contextes les plus difficiles ;
- construire la confiance entre les communautés ;
- surveiller les autorités et parties en présences (rôle de chien de garde) ;
- promouvoir d’autres sources d’identification que l’ethnie (les femmes, les militants sociaux) ;
- analyser et présenter les raisons cachées du conflit ;
- faire des efforts considérables pour donner la voix à tous les protagonistes ;
- essayer de rester « neutres » ;
- valoriser les efforts de paix ;
- continuer à paraître dans la clandestinité pour assurer la circulation de l’information (en prenant de gros risques).
Si l’appui de coopérations étrangères est alors précieux, parfois même indispensable (comme dans le cas de Radio Okapi, la radio de la Monus et de la Fondation Hirondelle à Kinshasa ou de radio Ndeke Luka à Bangui), la question cruciale demeure : que se passe-t-il le jour où le financement externe s’arrête ? Des médias dont l’économie de fonctionnement est souvent en totale discordance avec le niveau du marché local ont alors forcément du mal à pouvoir survivre…
- L’attitude des pouvoirs publics vis-à-vis des médias
Au-delà des éléments internes aux médias que nous avons identifiés (carence en formation, manque de moyens matériels et financiers, politisation congénitale ou opportuniste), le comportement des autorités publiques est bien sûr déterminant pour faire pencher la balance des médias loin de leur devoir de rigueur, d’équilibre et d’honnêteté.
- Un premier aspect par lequel l’Etat intervient dans le champ des médias est celui du cadre étatique : les médias se comportent de manière différente selon qu’ils sont face à un Etat de droit ou à un Etat autoritaire, selon qu’il existe une justice indépendante, qui joue son rôle, ou que celle-ci est manipulée par l’exécutif. Dans de nombreux cas, on constate combien l’impunité est un facteur encourageant la violence non seulement pour les groupes armés et les milices qui appellent au meurtre, s’en prennent aux civils ou commettent des violations graves des droits de l’homme, mais aussi pour les journalistes .
- Dans la plupart des pays d’Afrique Centrale, des législations libérales, reconnaissant le pluralisme des médias, ont été adoptées au début des années 1990, mais les périodes de conflit sont des moments où on assiste au rétablissement de la censure et à la résurgence de l’autocensure, à des nominations brusques à certains postes clé du secteur (ainsi par exemple on constate des « valses » au poste de ministre de la communication). Autant de mécanismes qui ne favorisent pas une information pluraliste donnant la parole à toutes les parties. On a vu combien, dans les radios burundaises par exemple, le simple fait de tendre un micro aux représentants des forces rebelles avait paru au début intolérable au pouvoir en place. En RDC, Radio Okapi a été ouvertement accusée de faire le « marketing des belligérants » parce qu’elle donnait la parole aux représentant des mouvements rebelles dont beaucoup de Congolais doutaient de la représentativité populaire réelle.
- L’accès à des sources d’information diversifiées est fondamental, mais souvent entravé en période de conflit. L’Etat tente de garder le monopole sur l’information « correcte » et les médias privés peinent parfois à accéder à d’autres sources, ce qui peut susciter des déséquilibres. Dans un pays immense comme la RDC , l’apparition des téléphones portables a été d’une importance capitale pour la couverture du conflit : la téléphonie satellitaire a permis aux journalistes de Kinshasa, dans la phase récente du conflit, d’accéder rapidement à des informations sur les événements survenus à Bukavu ou à Kisangani, ce qui n’était pas le cas par exemple lors de la première guerre de 1996-1997. Internet a aussi contribué à changer la donne en permettant un accès plus facile à des sources étrangères dont les médias internationaux (même si ceux-ci peuvent également être partisans).
- L’emprise des autorités publiques sur les médias d’Etat est un autre facteur déterminant pour l’émergence d’une presse « neutre » : quand les médias gouvernementaux sont complètement sous la coupe des autorités, ce qui ne manque pas de se renforcer en période de crise, la presse privée a tendance à confondre « critique du gouvernement » et « indépendance ». Donc, plus les médias publics sont engagés et partiaux, plus se développent des médias d’opposition radicaux et partisans, également partiaux, excessifs dans leur volonté de contrecarrer la mainmise de l’Etat. Tous les médias critiques sont alors accusés d’être proches de l’opposition…
- Au-delà des pouvoirs publics, c’est l’ensemble des forces politiques et militaires en présence qui sont susceptibles d’exercer des pressions sur les médias et de s’en prendre frontalement à la liberté de la presse. Il y a plus de risques que les journalistes soient malmenés dans les contextes de conflits où les acteurs de la répression se multiplient (gouvernement en place, opposition, armée, milices…). En RDC, JED (Journalistes en danger) est là pour en témoigner, les journalistes ont subi, depuis le début de la guerre, des violations nombreuses de leurs droits dont des menaces, des enlèvements, des assassinats et des agressions. En 1994 au Rwanda, ils ont été une des premières cibles de l’extermination. Souvent, comme je l’ai fait remarquer pour le Congo Brazzaville, les journalistes qui sont au service d’une faction belligérante sont effectivement mieux protégés. Les journalistes « neutres » sont plus menacés, la « neutralité » étant interprétée comme de la trahison, de la sympathie avec l’ennemi dans les situations de crise.
- Il faut noter également que, dans des contextes politiques marqués par la polarisation et les conflits, les échéances électorales constituent toujours des moments de grande tension où les médias sont l’objet de pressions particulières et de tentatives de manipulations diverses rendant très complexe et risqué leur travail. A l’aube de la tenue d’importantes élections au Burundi et en RDC, il est crucial que cet atelier puisse identifier des moyens de renforcer l’indépendance et le professionnalisme des médias dans un contexte où ces derniers deviennent un véritable enjeu de la course politique.
- L’environnement et le paysage médiatique
Enfin, au-delà des contraintes internes aux entreprises de presse et aux spécificités des relations avec les pouvoirs en période de crise, une troisième série de facteurs déterminants réside dans les caractéristiques de l’environnement général dans lequel évoluent les médias.
- Le degré de structuration et d’organisation de la profession joue un rôle essentiel pour permettre aux médias de continuer à faire un travail rigoureux et honnête en période de crise. Dans un pays où les médias sont organisés et solidaires entre eux, il est plus facile de résister aux pressions de l’Etat ou des belligérants. C’est le cas de la presse écrite tchadienne par exemple. Par contre, dans les contextes où il y a des inimitiés infranchissables entre propriétaires et animateurs de médias, appartenant à des tendances politiques différentes, la solidarité devient difficile à obtenir et le morcellement affaiblit la profession. A nouveau, durant la guerre au Congo Brazzaville, il était pratiquement impossible de faire s’asseoir à une même table les éditeurs des journaux soutenant les différents belligérants. Les structures et associations professionnelles sont souvent paralysées en période de conflit car leurs mécanismes de fonctionnement interne sont paralysés par les divisions du paysage politique. L’existence d’un code de déontologie peut être un élément de structuration et de cohésion de la profession en temps de paix, mais il devient souvent inopérant en temps de guerre où d’autres impératifs se superposent à ceux du métier… Les observatoires et conseils de presse, dont le fonctionnement repose sur le consensus professionnel, sont paralysés, les associations professionnelles entrent en léthargie, faute de pouvoir réunir leurs membres. Seules les ONG de défense de la liberté de la presse, si elles peuvent poursuivre leur travail, tâchent de rester actives.
- Les instances de régulation de la communication redeviennent souvent, en période de crise, des structures aux ordres du gouvernement, chargées d’être des censeurs plutôt que des organisateurs du paysage médiatique.
- L’environnement économique subit, on l’a déjà signalé, de graves dommages en période de conflit et peine souvent à se redresser ensuite. En Centrafrique, les pillages répétitifs ont entraîné le départ de la plupart des entreprises présentes à Bangui qui constituaient à la fois un potentiel publicitaire et un parc d’acheteurs de la presse écrite. On considère qu’il ne reste aujourd’hui à Bangui que 16 grosses entreprises privées, là où elles étaient plus d’une centaine avant les pillages. La guerre est aujourd’hui terminée, mais la presse demeure aujourd’hui durement touchée par la morosité de l’environnement économique. Dès lors, on peut se demander si l’indépendance économique des médias n’est pas encore plus difficile à assurer en temps de guerre : si la soumission à l’Etat ou à l’un ou l’autre belligérant ne se présente pas comme la seule voie de la survie…
- Les guerres ont aussi de lourdes répercutions sur le public, généralement démuni et préoccupé. On dit souvent que les populations se détournent des médias « neutres » en période de conflit. Certains estiment que le public penche alors pour des médias au ton emporté qui flattent le nationalisme et se détourne des journaux équilibrés. Non seulement cette thèse n’est pas prouvée, mais il existe de nombreux contre-exemples : de Radio Ndeke Luka en Centrafrique à Radio Maendeleo dans le Kivu, le succès est souvent au rendez-vous pour les médias qui tentent de garantir une certaine neutralité et de présenter la diversité des points de vue.
- Enfin, nous avons déjà souligné l’importance de l’intervention financière et morale des partenaires étrangers. Mais rares sont les partenaires qui acceptent d’intervenir dans le champ des médias en période de conflit ouvert : il y a sans doute trop de risque de voir ses efforts détournés, pervertis, ou subir des pertes récurrentes. Il n’existe que quelques ONG « urgentistes » qui interviennent au plus fort des cirses, mais la plupart des partenaires préfèrent attendre le moment de la « reconstruction » à la fin du conflit.
Conclusion
Pour conclure, il faut souligner que la sortie de crise entraîne souvent un apaisement pour le champ des médias : certaines difficultés matérielles s’amoindrissent, le public retrouve l’envie de consommer l’information équilibrée, l’autocensure diminue. La position de l’Etat peut être diverse : soit il se montre à nouveau beaucoup plus ouvert et conciliant, soit il nourrit désormais une méfiance pour les médias qui le pousse à contrôler mieux le secteur médiatique. De nouvelles législations sont souvent adoptées, de nouveaux médias voient le jour et l’intérêt des bailleurs de fonds resurgit.
Au terme de cet exposé, nous souhaitons toutefois rappeler que chaque pays, chaque secteur des médias, a sa propre dynamique et que nous n’avons pas voulu ici tracer un modèle d’analyse strict qui puisse tout expliquer. Il nous a simplement paru intéressant de mettre en avant certains facteurs et certaines dynamiques qui peuvent permettre de comprendre comment les médias d’Afrique Centrale se comportent à travers les conflits et les crises qui ont endeuillé presque toute la zone ces dix dernières années. Toutefois, tout comme chaque pays a ses propres logiques et sa propre évolution, la manière dont les médias peuvent contribuer, ici et là, à la reconstruction et à la consolidation de la paix peut aussi différer d’un pays à l’autre.
A vous, à nous, d’inventer ensemble de nouvelles solutions, adaptées à chaque contexte et à ses spécificités.
- La vulnérabilité particulière des journalistes en période de conflit a été rappelée. Il s’agit donc d’identifier quels peuvent être les mécanismes permettant de réduire cette vulnérabilité et, partant, de renforcer la capacité des médias à surmonter les difficultés pour jouer un rôle positif dans la consolidation de la paix dans la région. Ces mécanismes sont à trouver sans doute dans : la solidarité professionnelle (que les journalistes puissent se retrouver, au-delà des clivages politiques, des appartenances ethniques, régionales ou nationales, sur des bases professionnelles avant tout) ; le soutien extérieur (c’est aux journalistes des Grands Lacs eux-mêmes de définir quelles sont leurs priorités et de demander ensuite qu’on les appuie pour pouvoir traduire ces préoccupations en actes concrets plutôt que de suivre des solutions toutes faites qui leur sont proposées ou imposées de l’étranger) ; la créativité (il s’agit pour les journalistes de la région de se montrer inventifs pour essayer de dégager des voies sur lesquelles avancer dans une situation qui reste très troublée, complexe et douloureuse.)
Les participants ont alors évoqué les préoccupations suivantes :
- Les médias se trouvent dans une situation paradoxale : en même temps il leur est demandé de soutenir les efforts de paix formulés par leurs Etats, et en même temps de critiquer ces efforts. C’est toute la complexité de la situation des journalistes qui doivent à la fois respecter l’Etat et le critiquer.
- Le rôle des médias dans les perceptions et les positionnements identitaires, souvent cruciaux en période de crise, a également été mis en avant. Les médias peuvent contribuer à cristalliser les « ethnies », mais ils peuvent aussi participer à proposer des solutions pour que les différentes communautés puissent co-habiter, pour que éleveurs et agriculteurs puissent partager un même espace, pour que les populations puissent vivre ensemble sans frustrations mutuelles.
- Contribuer à la paix, pour les journalistes, peut signifier se pencher sur le passé pour identifier les racines de la violence car « on ne construit pas l’avenir sur des sables mouvants ». Les médias ont pour devoir d’identifier les racines des problèmes et de sensibiliser les populations à ce sujet. Si les journalistes ne parviennent pas à faire ce travail de décryptage du passé, de compréhension et d’explication des causes profondes des conflits, les populations civiles ne pourront certes pas y parvenir seules.
- On peut résumer le drame de la région des Grands Lacs en concluant que ce qui a entraîné la guerre et l’insécurité dans la région, c’est l’égoïsme des hommes. Dès lors, la solution réside sans doute dans la solidarité. Au niveau des journalistes, l’important n’est pas de se concentrer sur les failles identifiées par la Déclaration de Dar-es-Salaam, mais bien de trouver les moyens de construire entre les professionnels des médias de la région une véritable solidarité professionnelle autour d’exigences qui sont celles, universelles, des médias dans des pays pluralistes. C’est à la vision qu’ils ont de leur rôle que les journalistes doivent réfléchir afin de trouver un terrain d’entente.
- La difficulté du travail du journaliste dans un contexte de conflit réside dans le fait qu’il évolue dans un environnement où prédominent les rapports de force violents. Or, le journaliste doit comprendre et faire comprendre que la violence ne peut pas constituer une solution aux problèmes de la région. Le journaliste doit mettre en avant ce qui rapproche les populations (comme les échanges transfrontaliers qui n’ont jamais cessé) plutôt que ce qui les divise. Le journaliste doit aussi poursuivre le travail de critique par rapport à l’Etat : il doit exiger que l’Etat, même en position difficile ou de faiblesse, se comporte de manière responsable. Et si les détenteurs du pouvoir public ne se comportent plus de manière responsable, il faut les dénoncer, les rappeler à l’ordre afin qu’ils puissent changer d’attitude.
- Le courage du journaliste réside dans le fait qu’il ose se poser et soumettre à la communauté les questions qui font mal, celles que le pouvoir politique se refuse à poser pour ne pas perdre sa popularité. C’est un exercice indispensable que de pouvoir faire entendre toutes les voix, même celles qui dérangent : le journaliste doit pouvoir lui-même écouter toutes ces voix et ne pas se limiter à celles avec lesquelles il est en convergence.
Ce second groupe s’est penché sur les problématiques liées à la démocratie et la bonne gouvernance et, après avoir identifié les problèmes auxquels les journalistes sont confrontés dans la couverture de ces enjeux, a tâché d’identifier des voies de solution.
- Défis des médias et de la société civile
- L’absence de respect des droits humains en générale et en particulier le droit d‘expression, le libre accès aux sources d’information pour les journalistes et le droit d’être informé pour la population. Par exemple, il est très difficile aux médias d’accéder aux dossiers en rapport avec les malversations et la corruption.
- La pauvreté de journalistes qui ne leur permet pas de travailler avec indépendance et qui de facto les rend fragiles face aux tentatives de manipulation et de corruption.
- L’emprisonnement des opposants politiques ou des journalistes qui osent critiquer le pouvoir en place.
- La difficulté de trouver et instaurer des mécanismes qui permettent de faire participer efficacement la population à la mise en place des institutions et la prise de décisions.
- La présence persistante d’idéologies discriminatoires et de l’impunité dans les pays en proie aux conflits ethniques et/ou régionaux.
- Les dérives d’organes de régulation de la communication qui agissent souvent comme des caisses de résonance du gouvernement et entravent le travail des journalistes.
- Le caractère flou et imprécis des lois sur la presse qui, dans certains pays, sont souvent sujettes à plusieurs interprétations, ce qui met les journalistes en conflit avec le pouvoir.
- Et enfin, une faible représentativité féminine constatée dans certains organes de presse, et qui entraîne que certaines problématiques touchant les femmes ne soient pas suffisamment abordées.
- Solutions
- La professionnalisation des journalistes pour qu‘ils/elles fournissent des informations vérifiées, équilibrées et constructives. Nous savons que certains journalistes travaillent dans des conditions très difficiles avec des régimes dictatoriaux et hostiles aux médias, mais ces les journalistes ne doivent jamais oublier leur responsabilité de plaider pour « les sans voix » et de faire la promotion des modèles positifs .
- Les journalistes doivent éviter le langage des politiques qui souvent privilégient les intérêts des uns au détriment de ceux des autres.
- Des rencontres régulières doivent être organisées entre la société civile et les médias pour échanger et s’auto critiquer.
- Les médias doivent rappeler souvent les autorités de leur redevabilité (accountabilty) envers le peuple.
- Les médias doivent éduquer la population, l’informer sur ses droits et devoirs.
- Les médias et les sociétés civiles doivent tout faire pour obliger le gouvernement à limiter considérablement sinon éradiquer complètement les redevances et les taxes infligées aux médias.
- Les médias doivent eux-mêmes créer des organes d’autorégulation comme ça se fait déjà avec succès dans certains pays comme la Tanzanie.
- Dans les pays où il est impossible aux médias de mettre en place ces organes d’autorégulation, les bailleurs de fonds et la communauté internationale peuvent conditionner certaines aides au respect des droits fondamentaux comme la liberté d’expression et à la lutte contre l’impunité et la corruption.
- La création des radios communautaires et de proximité doit être encouragée pour permettre de véhiculer les opinions quotidiennes de la population.
- Un effort de décentralisation des médias vers les villes de l’intérieur du pays doit être entrepris afin que les populations des provinces jouissent de l’accès à l’information.
- Les médias peuvent veiller à donner plus de visibilité aux Ong qui travaillent dans le domaine de la démocratie et de la bonne gouvernance.
- Le théâtre radiophonique doit être développé, car les sondages déjà faits au Burundi par exemple ont montré que ce format est très apprécié par les auditeurs.
- Une collaboration franche entre les médias et la société civile doit s’installer. Cette collaboration existe déjà au Burundi et aboutit souvent à des résultats concrets. Ainsi, l’Observatoire de l’Action Gouvernementale (OAG) organise en collaboration avec la Radio Isanganiro des débats interactifs et en direct entre les membres du gouvernement, la société civile et les populations.
- Les médias doivent créer des réseaux et des associations régionales leur permettant d’être plus solidaires et plus efficaces. En 2004, quand la Radio Isanganiro a été suspendue par le gouvernement pour avoir diffusé une interview du porte-parole du mouvement rebelle Palipehutu-Fnl, les autres radios privées ont décidé de boycotter la couverture de toute action gouvernementale pour soutenir leur radio sœur et les organisations internationales de médias comme Reporters sans Frontières ont condamné cette action gouvernementale. Tous ces gestes de solidarité ont contribué à la réouverture de ces stations.
Au regard de tout ce qui précède, on peut dire que les professionnels de l’information dans les Grands Lacs connaissent des fortunes diverses qui varient au gré des régimes politiques en place. Des situations de tension et de crise dans ces différents pays sont généralement propices à la répression des journalistes dans le but non avoué de faire taire des voix discordantes et d’empêcher toute émergence des débats démocratiques sur des sujets pourtant d’intérêt national et qui intéressent le public.
En même temps, tout le monde reconnaît le rôle majeur que la presse est appelée à jouer dans l’édification d’une société démocratique, seule condition aussi pour bâtir une paix durable, parce qu’il apparaît, et de plus en plus clairement, que les situations de conflits qui ont ensanglanté la sous région sont dues pour une grande part , à la confiscation du pouvoir par un groupe au détriment du plus grand nombre, au refus du jeu démocratique qui passe par la tolérance des opinions des autres et par la liberté d’expression des opinions divergentes sur des médias ouverts et pluralistes.
Mais pour que les médias et les journalistes puissent jouer, en toute liberté et indépendance, le rôle de catalyseur des opinions et de creuset de démocratie, ils doivent être défendus. C’est ce travail auquel JED se consacre, et qu’il entend intensifier, avec l’appui de ses partenaires.
Point n’est besoin de rappeler que la liberté de la presse, dans les Grands Lacs ou ailleurs a un fondement juridique international contenu, notamment dans les articles 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui stipulent, et je cite : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération des frontières, les informations et les idées par quelques moyens d’expression que ce soit ». Bien entendu, dans le respect des droits et libertés des autres, de l’ordre public, des bonnes mœurs, etc.
Il se dégage que cette liberté de la presse, qui est un des droits fondamentaux de l’homme, doit être défendue en toute circonstance, et doit pouvoir être exercé aussi bien en temps de paix qu’en temps de guerre conformément aux engagements internationaux pris par ces Etats parties. Mais aussi en toute responsabilité par des professionnels, responsables, honnêtes, compétents, respectueux des normes et des principes de leur profession. Ceci permet de mettre en lumière l’importance de la formation des journalistes pour assurer un respect de la déontologie et la connaissance de leurs droits et devoirs professionnels.
Tous les cas répertoriés ou non de menaces, d’agressions, d’arrestations arbitraires contre les journalistes soulignent plus que jamais cette nécessité qu’il y a à pouvoir assurer la protection des journalistes dans l’exercice de leur métier.
Il s’agit aussi bien d’une protection physique sur les théâtres des conflits, que d’une sécurité juridique et institutionnelle. Aujourd’hui, que ce soit en RDC, au Rwanda ou au Burundi, une réforme du cadre juridique de l’exercice de la liberté de la presse s’impose dans tous ces pays et devrait concerner principalement la suppression des lois qui autorisent les emprisonnements des journalistes pour des délits de presse tels que la diffamation, les fausses nouvelles ou l’offense aux autorités qui ouvrent la voie à tous les abus. La dépénalisation des délits de presse dont JED a fait son cheval de bataille ne doit pas être considérée comme un cadeau du Prince pour bonne conduite, mais comme une exigence de la démocratie, et une condition qui permette au journaliste de travailler en toute liberté et quiétude sans cette Epée de Damoclès suspendue sur sa tête du fait qu’il peut être envoyé en prison à tout moment. Il doit être clairement entendu que cette quête pour la dépénalisation des délits de presse ne concerne évidemment pas les incitations à la haine ethnique, tribale ou religieuse, les appels au meurtre, l’apologie du meurtre ou du crime dont se rendent coupables des pseudo journalistes et qui doivent pour cela être sanctionnés conformément à la loi.
Avant de terminer, je voudrais paraphraser l’ancien Président sénégalais, M. Abdou Diouf, aujourd’hui Secrétaire général de la Francophonie qui déclarait récemment : « A quoi sert cette liberté de la presse si les journalistes n’ont pas les moyens de s’en servir ? Si leur condition matérielle est si déplorable, si indigne, qu’ils sont vulnérables à toutes les tentations et à toutes les manipulations, qu’ils ne disposent pas des moyens matériels d’aller, en tout indépendance et en toute sécurité, chercher l’information et la vérifier ». Tel est malheureusement le tableau sombre de la situation qui prévaut.
La grande précarité matérielle des professionnels de l’information et des médias qui les emploient est à la base de plusieurs dérives constatées, et constitue un des défis majeurs à lever pour un engagement conséquent des médias dans la construction de la paix dans les Grands Lacs.
Je vous remercie.
- Comment renforcer la position des médias dans le dispositif de la Conférence internationale sur la paix et la sécurité dans les Grands Lacs ?
Par George OLA DAVIES
Chargé de communication, Secrétariat de la Conférence Internationale, Nations Unies
Avant la rencontre de Bagamoyo, beaucoup de journalistes ici présents n’avaient jamais vu la Déclaration de Dar-es-Salaam. Elle se trouve pourtant en ligne et le secrétariat exécutif de la conférence, en dépit de ses moyens limités, a tout fait pour sensibiliser les journalistes au processus de paix en cours, avec des résultats mitigés il faut le reconnaître. Ses efforts n’ont pas débuté avec le Sommet des chefs d’Etat de Dar-es-Salaam : la Déclaration elle-même est issue d’un long processus de concertation, d’écriture et de négociation, qui s’est étendu sur plus d’un an. Il n’y a pas eu d’envie de savoir…
La perception que les médias des 11 pays (que le Secrétariat de la conférence a essayé de sensibiliser en faisant des tournées dans les différents pays) ont du processus dénote de plusieurs problèmes :
- La méfiance vis-à-vis des Nations Unies et du processus en cours. Les journalistes se demandent : « Que fait en fait la Conférence pour nous ? » Les journaux de Kinshasa ont fait leurs choux gras en étalant les coûts de la modération, le salaire supposé de Ketumile Masire, le niveau de « vie » des membres du bureau de la facilitation, sans se pencher sur le travail effectué ;
- L’introversion : les médias nationaux se recroquevillent sur leurs perspectives locales, sans chercher à accéder à un niveau plus international d’information et d’analyse. Conclusions : seuls les médias internationaux (AFP, Reuter, AP, RFI…) s’intéressent au processus de paix). Il n’y a eu, par exemple, aucun papier dans la presse tanzanienne sur la conférence en cours à Bagamoyo, simplement parce que les médias locaux ne considèrent pas cette thématique de la paix dans la région comme une priorité nationale… Or, on ne résout pas un problème régional en se repliant sur soi-même, au sein de ses frontières.
- Le mercantilisme : la plupart des médias rencontrés au cours des tournées de sensibilisation ont demandé au secrétariat des fonds en échange d’une couverture du processus de paix.
- L’absence d’appropriation du processus de paix : il est vu comme une initiative exogène alors que le processus de paix dépend de la volonté et de l’implication des pays concernés, et pas de la seule initiative du secrétariat.
Le secrétariat de la Conférence internationale est conscient du rôle absolument crucial des médias dans le processus de paix, tout comme il est convaincu que ces derniers peuvent se changer en armes de guerre. La vocation du service d’information de la Conférence doit se limiter à transmettre de l’information sur la vision qu’a le secrétariat et le représentant spécial des Nations Unies sur l’évolution de la situation dans la région. Face à la faible mobilisation des médias locaux, le secrétariat a encouragé chaque comité national préparatoire à amener au moins 2 journalistes dans les différentes étapes préparatoires du Sommet de Dar-es-Salaam.
Comment les médias peuvent-ils mieux accompagner le processus ?
- En accompagnant le travail du secrétariat de la conférence (Il arrive que le secrétariat travaille 4 jours dans un pays avec les acteurs locaux sans qu’il y ait plus d’un article dans la presse) ;
- En rentrant dans vos pays respectifs et en donnant un écho dans vos médias à ce qui s’est passé ici à Bagamoyo ;
- En cherchant la respectabilité plutôt que la popularité ; autrement, on sacrifie l’information sur l’audimat ;
- En gardant les populations informées sur un processus qui est décisif pour leur avenir (et en leur faisant comprendre qu’il l’est effectivement (voir l’exemple de Radio Okapi qui est sans doute le plus grand succès de la MONUC car il a réussi à fournir une information pluraliste et équilibrée sur l’évolution de la situation nationale) ;
- En réfléchissant sur la « mission » réelle que veut se donner chaque média. Il faut opter pour une ligne, responsable et pertinente, et ne plus s’en démarquer.
- En pratiquant un « journalisme de paix » : on a abordé ici la nécessité de développer des compétences en économie, en politique, de couvrir les enjeux sociaux, de sécurité, mais on n’a pas évoqué le journalisme « de paix » et ses mécanismes.
Il est très important que l’atelier débouche non seulement dur des recommandations mais aussi sur des mécanismes de suivi pour s’assurer que ces engagements auront un avenir…
Débats
Les participants ont réagi vivement aux interpellations de l’intervenant en rappelant qu’ils travaillaient dans des conditions qui ne sont pas toujours faciles :
- Ils ne peuvent faire financer des activités de leurs associations ou des déplacements que par des bailleurs étrangers (Quels sont les moyens que le secrétariat pourrait mobiliser en ce sens ?)
- Les journalistes ne sont pas seulement des acteurs potentiels du processus de paix, ils sont aussi des victimes des conflits et il ne faut pas oublier que l’instabilité est également lourde de conséquences pour eux et l’organisation de leur travail.
- Il y a peut-être aussi des problèmes internes au secrétariat de la Conférence internationale qui entraînent que sa stratégie de communication n’est pas claire et que les journalistes n’y trouvent pas ce qu’ils cherchent.
Le Chargé de communication du secrétariat exécutif a conclu en disant que des problèmes de différentes natures se posaient :
- une absence évidente d’intérêt des médias pour le processus (le secrétariat international de la Conférence est installé à Nairobi et un seul journal kenyan a publié à ce jour un article sur son existence et son travail)
- un manque d’assiduité des journalistes africains à la lecture : même si on leur transmet le texte de la Déclaration, beaucoup ne le liront pas jusqu’au bout ;
- des problèmes financiers : le secrétariat exécutif dispose de peu de fonds pour la communication et n’en mobilisera pas plus. Le Représentant spécial des Nations Unies, S.E.M. Ibrahima Fall, est très soucieux de l’engagement des médias dans le processus, mais il n’acceptera jamais de payer les journalistes pour que ceux-ci couvrent ses activités.
Il a insisté sur le fait qu’il restait à la disposition des journalistes à tout moment et que ceux-ci pouvaient le solliciter n’importe quand pour obtenir des informations.
5.3 Atelier 3
République démocratique du Congo
L’atelier consacré a la République Démocratique du Congo a été facilité par l’élaboration en octobre 2004 d’un avant-cahier de charges national, lequel a fait l’objet d’échanges et d’analyses. Par conséquent, il a été question pour nous de compléter et d’harmoniser les résultats de l’atelier de Kinshasa avec ceux de la Conférence de Bagamoyo. Il reste que nous avons jugé pertinent d’imposer aux Etats et partenaires collatéraux actifs, que soient créées les conditions préalables a la réalisation des objectifs fixés dans chaque thématique.
Les écueils majeurs et communs aux pays de la sous région ayant été largement identifiés tout au long de nos échanges, nous serons attachés à la présentation de certaines actions prioritaires que nous envisageons d’entreprendre.
A la faveur de l’appui substantiel apporté l’année dernier par l’IPP et divers autres partenaires, la République Démocratique du Congo a connu des avancées significatives dans le domaine des médias. La profession est désormais clairement structurée. Les rôles sont clairement répartis entre une instance de régulation (Haute autorité des Médias), une structure d’autorégulation (Observatoire des Médias congolais) et l’organisation professionnelle qui fédère tout le mouvement associatif congolais, l’UNPC (Union Nationale de la Presse du Congo). Les dirigeants de toutes ces instances bénéficient d’une incontestable légitimité. Ils ont été élus démocratiquement et l’Etat congolais les a agrées comme interlocuteurs agissant conformément aux lois du pays. Les principales composantes du cadre fédérateur des médias congolais sont l’Association des entreprises audiovisuelles privées (Aneap), l’Association des éditeurs congolais (Aneco), l’Association des radios communautaires et associatives, les Ong de défense de la liberté d’informer comme Jed. Il existe aussi un Syndicat des professionnels de la presse (SNPP) ou encore des associations du genre de l’Union congolaise des femmes des médias (Ucofem). Toutes ces composantes disposent d’un plan d’action biennal ou quadriennal. En outré, il existe sur l’étendue de la RD Congo 163 chaînes de radiotélévision et près de 200 publications. Malgré certaines entraves, les médias congolais sont donc variés, opérationnels et fonctionnels.
Le pays est fermement engagé sur la voie de la consolidation du processus de démocratisation, qui va se solder, malgré certains frémissements, par la tenue des élections générales en 2005.
La délégation de la République Démocratique du Congo a choisi de travailler sur les 5 thèmes préalablement proposés par Panos Paris ; le cinquième étant l’environnement. Cela se comprend dans la mesure ou, au terme des conflits armés ayant ravagé la sous région, la RDC est le pays qui a payé le plus lourd tribut d’abord en vies humaines (3 millions de morts) mais également en termes de pillages des ressources naturelles (5 milliards de dollars d’après les Nations unies) et de destruction accélérée de l’environnement. Il se trouve aujourd’hui une extrême nécessité de rétablir les écosystèmes. Et il n’y aura aucune action effective et donc fructueuse sans un réel engagement des médias.
Outre les actions a mener, nous avons réussi a identifier quelques indicateurs d’évaluation.
Notre atelier national souhaite enfin que les délégations réunies à Bagamoyo puissent prendre un engagement citoyen, ferme et sincère d’œuvrer pour la consolidation de la paix et de la sécurité, d’appuyer les recherches de moyens d’assurer le bien-être et la prospérité de nos populations, si nous savons réellement nous montrer attachés aux valeurs de la démocratie et de la concorde.
Et puisque nous sommes dans un siècle qui n’a pas volé son nom, le siècle des médias ou de la communication, nous ne doutons pas un seul instant de notre capacité à pouvoir aider à opérer des transformations profondes capables, de répondre aux meilleures aspirations des uns et des autres, c’est à dire de nous tous ensemble.
Nous, professionnels des médias du Burundi, d’Ouganda, de République Démocratique du Congo, du Rwanda, de Tanzanie et de Zambie, réunis, à Bagamoyo du 13 au 15 décembre 2004, à l’initiative de l’Institut Panos Paris et en présence de représentants de la société civile de nos pays respectifs,
Constatons
- La pertinence du diagnostic dressé dans la phase préparatoire de la Conférence internationale sur les différents problèmes de notre région dans les champs de la paix et de la sécurité, de la démocratie et de la bonne gouvernance, du développement économique et de l’intégration régionale, des questions humanitaires et sociales, et de l’environnement , ainsi que les difficultés que nos médias éprouvent à couvrir de manière complète, professionnelle et régulière ces différents enjeux ;
- La nécessité impérieuse d’une plus grande contribution des médias dans le suivi des Accords de paix signés ; dans la popularisation de la Déclaration du Sommet des Chefs d’Etat de Dar- es-Salaam et dans la construction d’une paix durable dans la région ;
- Le manque de circulation de l’information d’un pays à l’autre, ne permettant pas à nos différents médias de disposer d’une vision régionale sur les différentes crises qui bouleversent la région ;
- L’absence d’un cadre régional de concertation permettant aux professionnels des médias des différents pays de se retrouver pour échanger et discuter leurs visions et leurs perspectives sur l’actualité et l’avenir de leur cadre de vie commun ;
- Les conséquences dramatiques que peuvent engendrer le manque de professionnalisme de certains de nos médias, porteurs de discours d’exclusion et de haine ou de propagande partisane, ainsi que leur engagement militant aux côtés d’une force belligérante, en violation des règles élémentaires d’éthique et de déontologie ;
- L’impact et le succès indéniables des médias qui, dans la région, se sont engagés à rester avant tout au service des populations, de la défense du citoyen et de son droit à une information complète, rigoureuse, honnête et équilibrée ;
- Les conditions difficiles dans lesquelles nos médias opèrent dans les zones troublées, caractérisées par de nombreuses violations de la liberté d’expression et de la presse, par des entraves multiples de l’accès aux sources d’information, et par la fragilisation économique des entreprises de presse, entraînant leur vulnérabilité ;
- La faible présence des femmes dans nos médias et, dès lors, le manque de visibilité des problèmes spécifiques rencontrés par une frange de la population particulièrement touchée par les effets des conflits armés ;
- La faiblesse des liens existants entre médias et organisations de la société civile, nationales ou régionales, susceptibles de constituer des partenaires importants pour les journalistes soucieux d’une démarche professionnelle d’investigation et d’analyse sur les sujets ayant trait aux questions humanitaires et sociales ;
- Le centralisme géographique dont souffrent nos médias, basés généralement dans la capitale et parvenant difficilement à être à l’écoute des communautés de province les plus reculées qui sont souvent celles qui subissent le plus durement les conséquences de conflits ;
- Les difficultés rencontrées par nos médias pour couvrir les questions humanitaires, sociales, économiques et sécuritaires (réfugiés et déplacés internes, situation des femmes et des enfants dans les zones de conflit, programmes DDR et DDRRR, pandémie du SIDA, développement économique…) dues aux problèmes d’accès aux sources et au terrain d’investigation.
Dès lors, nous nous engageons à
- Prendre en charge un travail de vulgarisation auprès des populations des différents textes internationaux portant sur la gestion des conflits, de leurs conséquences sociales, économiques, politiques et environnementales et sur le rétablissement de la paix dans la région ; textes auxquels nos différents Etats ont souscrit ;
- Assurer un meilleur suivi des mécanismes de la Conférence internationale sur la Paix, la Sécurité, la Démocratie et le Développement dans la région des Grands Lacs et des efforts multidirectionnels menés en faveur de l’instauration de la paix ;
- Mettre en place des mécanismes permettant une circulation plus fluide de l’information au niveau national et régional ;
- Promouvoir les échanges régionaux entre journalistes et la réalisation de reportages conjoints, au sein d’équipes pluri-nationales, constituées de membres de nos différentes rédactions ;
- Renforcer le professionnalisme de nos médias en assurant d’une part un meilleur contrôle interne sur les contenus diffusés et d’autre part en soutenant l’action des observatoires et conseils de presse, structures d’autorégulation compétentes pour prononcer des sanctions morales lorsque des violations de l’éthique et de la déontologie journalistiques sont constatées ;
- Développer dans nos médias et en lien avec les associations professionnelles des plans de formation appropriés garantissant la maîtrise des règles du métier par l’ensemble du personnel des entreprises médiatiques ;
- Accroître notre rôle d’éducation citoyenne, de promotion et de relais des débats publics sur les questions d’intérêt général, ainsi que de tribune à la disposition de l’expression pluraliste de nos populations dans un cadre démocratique ;
- Renforcer nos capacités de contrôle et de pression vis à vis des pouvoirs publics, en pleine solidarité avec les organisations de la société civile, afin de garantir le respect des principes de bonne gouvernance et la consolidation des processus démocratiques (obtenant, là où cela s’impose, la révision de la législation sur la presse et la communication).
- Développer des initiatives originales afin d’obtenir les soutiens nécessaires auprès des autorités publiques, des organisations internationales, des agences onusiennes (HCR, OMS…) et des ONG locales, pour pouvoir effectuer des reportages de terrain dans les zones où des problèmes humanitaires, sociaux, environnementaux se posent avec une acuité particulière ;
- Encourager, au sein de nos médias, un traitement de l’information qui mette en avant l’être humain (ses difficultés, ses souffrances et ses réussites) afin de donner un visage à la guerre, d’attirer l’attention du public, des autorités politiques et de la communauté internationale, sur les conséquences individuelles des drames qui se jouent dans nos pays.
- Amener nos médias à jouer un rôle actif dans les dynamiques d’alerte précoce afin d’éviter que de nouveaux conflits ne surgissent alors que des signes avant coureurs évidents ont été trop longtemps passés sous silence.
- Renforcer la structuration et la solidité financière de nos médias, et encourager la clarification de leur ligne éditoriale et de la mission qu’ils s’assignent, afin de garantir leur indépendance et de diminuer leur vulnérabilité face aux tentatives de pressions des pouvoirs politiques et économiques ;
- Encourager la mutation des médias d’Etat en véritables organes de service public reflétant la diversité des opinions et des communautés en présence et mettant à disposition de la population l’information utile à son épanouissement dans la société ;
- Mobiliser et consolider la solidarité professionnelle au niveau régional, afin de générer une capacité d’entraide face aux défis que pose la construction de la paix dans la région et s’appuyer sur cette confraternité lorsque certains membres de la profession subissent des violences ou rencontrent des difficultés dans l’exercice de leurs fonctions.
Bagamoyo, le 15 décembre 2004
Relents sanglants en Ituri et au Sud-Kivu
Cet accord de paix ne signifie malheureusement pas la fin du conflit des Grands Lacs. L’aboutissement du Dic n’a en effet en rien résorbé les risques de déstabilisation dans l’est de la Rdc, théâtre d’affrontements interethniques entre micro-groupes rebelles sur fond de rivalité ougando-rwandaise. Début 2003, l’Est du Congo est en proie à une recrudescence dramatique des violences ethniques. Le retrait des troupes étrangères a en effet favorisé une reprise des combats au Sud-Kivu (région d’Uvira) et dans l’Ituri où les différentes milices congolaises soutenues par l’Ouganda (Mlc & Rcd-N contre Rcd-K-Ml) ou le Rwanda (l’Union des Patriotes congolais (Upc) de Thomas Lubanga) se livrent à une lutte sans merci. Un conflit qui a fait des dizaines de milliers de victimes et dans lequel aucun tabou, pas même celui de l’anthropophagie, n’a permis de fixer quelques limites à l’imagination exterminatrice des hommes.[3] Bref une sale guerre qui pourrait, selon le réseau national des Ong des droits de l’homme, n’avoir d’autre but pour Kigali que de « briser la dynamique de réunification du pays »[4].
Si l’intervention de la France, avec l’opération Artémis, a permis de stabiliser quelque peu la situation au cours de l’été 2003, il faut bien reconnaître que la transition demeure précaire comme en témoigne les échauffourées survenues au Kivu en juin puis en décembre 2004. Aussi, à l’heure où le spectre d’une nouvelle guerre reste d’actualité, il importe de rappeler que l’enjeu sécuritaire, quand bien même celui-ci a été considérablement surévalué par les voisins du Congo, demeure une revendication parfaitement légitime. Quelques soient les dérives et les crimes engendrés par l’occupation du Congo par les armées étrangères, actuelles et futures du régime rwandais, celles-ci ne modifient le droit de ces pays de vivre en sécurité. Les pires crimes que pourraient commettre les Rwandais ne peuvent en aucun cas être justifiés par le génocide de 1994 ou par la menace que constituent les sanctuaires des milices hutu au Congo, mais inversement, ils ne changeraient pas un iota au caractère intégralement criminel des forces qui ont mis en oeuvre ce génocide et qui entendent un jour « terminer le travail ».
Force est de constater que depuis le début des années nonante, dès lors qu’il s’agissait de la sécurité du voisin, de l’autre, de l’étranger, ce droit fondamental a été systématiquement nié par toutes les parties belligérantes. C’est en effet par la force des armes que l’on a imposé sa sécurité, un objectif qui passe par la négation totale du droit à la sécurité du voisin, voire de son droit d’exister, qu’il soit banyamulenge, rwandais ou banyarwanda tutsi dans le cas de la rébellion hutu rwandaise (interahamwe, ex-Far,…) et des milices maï-maï ; hutu pour le régime de Kigali ; ou encore hema ou lendu pour les petits chefs de guerre congolais qui mettent l’Ituri à feu et à sang depuis quelques mois.
Les Congolais ne sont cependant pas responsables de tous ces problèmes sécuritaires. La République démocratique du Congo est – ou a été – en effet le théâtre d’un certain nombre d’affrontements étrangers, devenant ainsi victime de l’exportation sur son territoire des conflits angolais, burundais, ougandais et rwandais. Autant de guerres qui constituent chacune une des clés de la résolution effective du conflit des Grands Lacs. L’Afrique centrale ne retrouvera dès lors réellement la paix et la sécurité qu’une fois que les pays voisins auront eux aussi résolu les crises et les conflits auxquels ils sont confrontés. Quoi qu’il en soit des accords de paix et de la résolution du conflit congolais, la communauté internationale ne pourra indéfiniment faire l’économie d’une réflexion en profondeur sur le système politique des pays voisins. Si la résolution du conflit congolais passe par un retour de la sécurité en Ouganda et au Rwanda et par une reddition des rebellions ougandaises et rwandaises, il serait illusoire de croire que ces pays puissent retrouver la paix civile sans partage du pouvoir et sans instauration d’un semblant d’Etat de droit.
[1] Accords de Lemera signés le 23 octobre 1996 par L.D. Kabila, soutenu par le Rwanda et l’Ouganda, dont l’article 2 affirme que « le sol et le sous-sol congolais appartiennent à l’Alliance (voir : www.congonline.com)
[2] IRIN 2003
[3] Cf. Remy J.-P., « En République démocratique du Congo, la paix est déjà menacée par un massacre », Le Monde, 8 avril 2003 ; Irin, Bulletin hebdomadaire d’information pour l’Afrique centrale et de l’Est, n°169, 11 avril 2003.
[4] Cité par Colson M.-L., « L’Est de la Rdc loin de la paix », Libération, 8 avril 2003.
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