Au cours d’une conférence de presse à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), Reporters sans frontières (RSF) et son organisation partenaire Journaliste en danger (JED) ont demandé la mise en œuvre rapide de deux chantiers prioritaires pour améliorer la liberté de la presse dans le pays.
Au terme d’une mission de sensibilisation des autorités exécutives et législatives menée depuis lundi 14 octobre et au cours de laquelle RSF et JED ont successivement rencontré le ministre de la Communication et des médias, son homologue des Droits humains, le directeur de cabinet du Premier ministre et une dizaine de parlementaires, les deux organisations ont plaidé pour la mise en œuvre rapide de deux chantiers prioritaires pour que les promesses des nouvelles autorités en matière de liberté de la presse ne restent pas lettre morte.
Le nouveau président congolais Félix Tshisekedi avait indiqué dès son discours d’investiture vouloir faire des médias un « véritable quatrième pouvoir ». A l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse le 3 mai dernier, un mémorandum comprenant 18 recommandations lui avait été remis.
« La réforme de la loi sur la presse de 1996 qui prévoit des peines privatives de liberté pour de nombreux délits de presse et la mise en place d’un mécanisme dédié à la protection des journalistes constituent deux chantiers prioritaires et doivent être lancées sans tarder, estime TshivisTshivuadi secrétaire général de JED. Malgré une légère inflexion des atteintes à la liberté de la presse depuis l’arrivée au pouvoir du président Félix Tshisekedi début 2019, le niveau des exactions reste préoccupant. Les discours sont encourageants mais les réformes se font toujours attendre. »
Depuis le début de l’année, 79 atteintes à la liberté de la presse ont été enregistrées par JED dont 15 arrestations et 13 cas d’agression. Au début du mois, JED et RSF avaient publiquement dénoncé le passage à tabac de Dominique Dinanga, un journaliste de Top Congo FM, l’une des radios les plus écoutées de la capitale, en marge d’un rassemblement politique. Les auteurs de cette agression n’ont jamais été interpellés alors même qu’ils avaient été identifiés.
Un « club de parlementaires amis de la liberté de la presse »
A l’occasion de la conférence de presse qui s’est tenue ce vendredi 18 octobre à Kinshasa en clôture de cette mission conjointe de sensibilisation, RSF et JED ont annoncé avoir recommandé aux autorités la mise en place d’un réseau de points focaux dans les différentes administrations et ministères concernés par la liberté de la presse, première étape d’un mécanisme visant à assurer une réponse rapide et un suivi des plus hautes autorités, établir un canal de communication avec les organisations de défense de la liberté de la presse, renforcer la protection des journalistes et lutter contre l’impunité.
La sécurité des journalistes ne pouvant être assurée de manière pérenne que par un cadre législatif nouveau et plus protecteur, huit députés et sénateurs rencontrés au cours de la semaine ont également accepté de faire partie d’un « club de parlementaires amis de la liberté de la presse » constitué par JED et RSF.
« Pour que le cadre légal change et que cette réforme historique attendue depuis plus de vingt ans puisse aboutir, il est indispensable qu’il y ait une volonté politique forte du côté de l’exécutif mais aussi que des élus s’impliquent très activement dans les deux assemblées, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Ces parlementaires, connus pour leur soutien en faveur de la liberté de la presse, seront autant de relais pour défendre la révision de la loi et contribuer à l’établissement d’un cadre légal plus protecteur et plus moderne. Cette réforme doit être considérée comme une priorité. »
En 2018, la RDC est le pays d’Afrique subsaharienne dans lequel RSF a enregistré le plus grand nombre d’exactions contre les journalistes. Le pays occupe actuellement la 154e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de presse établi par RSF.