Journaliste en danger (JED) s’insurge contre le regain d’attaques enregistrées depuis quelques semaines contre des journalistes et des médias et appelle les nouvelles autorités de la RDC à prendre des mesures immédiates pour que cessent ces attaques répétées.
En l’espace de deux semaines, JED a enregistré au moins 6 cas d’atteintes flagrantes à la liberté de l’information en RD Congo, à Kinshasa et dans les provinces où des journalistes et médias ont été victimes des attaques ciblées en rapport avec leur travail. Il s’agit principalement de :
Simon Bofunga, directeur de Congo Nouveau, journal paraissant à Kinshasa, qui a été interpellé, le mercredi 21 août 2019 au parquet près la Cour d’Appel de Kinshasa/ Gombe. Le journaliste s’y était rendu après avoir reçu un mandat de comparution. Détenu pendant environ 7 heures de temps, le journaliste a été remis en liberté sans être auditionné et sans savoir le motif réel de cette interpellation. Il lui a été demandé de se présenter au parquet le mardi 27 août.
Raim Mayama, journaliste présentatrice du magazine « Masolo ya Congo », et collaboratrice avec plusieurs médias émettant à Kinshasa, a été interpellée, le mardi 20 août 2019, successivement à la police criminelle et au parquet de grande instance de Likasi, dans la province du Haut-Katanga sur ordre de M. Kambaj, chef de bureau des Mines.
La journaliste s’était rendue au bureau du chef de bureau des Mines pour réaliser une interview sur le présumé détournement de la taxe minière. Après avoir recueillie des informations auprès d’un proche collaborateur de M. Kambaj, Raim Mayama a été subitement mise aux arrêts. Accusée « d’extorsion », elle a été conduite dans les installations de la police criminelle avant d’être acheminée au parquet où elle a été gardée jusque tard dans la soirée.
Serge Sindani, journaliste à Kis24. Info, un média en ligne dont la rédaction est basée à Kisangani dans la province de la Tshopo, a été violemment molesté par un groupe d’éléments des Forces Armées de la RD Congo, le 18 août 2019, alors qu’il regagnait son domicile après avoir couvert le culte de dédicace de la province de la Tshopo à Dieu, organisé par le nouveau Gouverneur de province. Violenté, le journaliste a été dépouillé de tous ses biens, notamment ses deux téléphones portables.
La radio Télévision Shaloom, l’une des stations des radios de Kananga, chef-lieu de la province du Kasaï Central, fermée depuis trois mois pour non paiement des redevances, taxes et impôts par la Direction Générale des Recettes Administrative, Domaniale et de Participation (DGRAD) a été visée, le vendredi 16 août 2019 dans la nuit, par un groupe de personnes non autrement identifiées. Tous les matériels de ce média ont été emportés. Il s’agit notamment du mixeur, le groupe électrogène, les ordinateurs, les micros, etc.
Michel Tshiyoyo, directeur de la Radio Sozer FM, une station communautaire émettant à Kananga, chef-lieu de la province du Kasaï Central est détenu depuis le mercredi 14 août 2019, dans les installations du Tribunal de paix de Kananga sur ordre du gouverneur de province M. Martin Kabuya qui « l’accuse d’incitation à la haine et outrage à l’autorité provinciale ».
Le journaliste est poursuivi pour s’être interrogé sur sa page Facebook sur la rumeur d’une altercation qui aurait eu lieu entre le gouverneur Martin Kabuya et son adjoint Ambroise Kamukuny lors d’une mission officielle à Kalamba Mbuji, un poste douanier situé à 250 km de Kananga, dans le territoire de Luiza.
Depuis son arrestation, Michel Tshiyoyo comparait devant le Tribunal de paix de Kananga. A l’audience du lundi 19 août dernier, le journaliste a récusé les juges et a sollicité la recomposition du tribunal. Depuis, Tshiyoyo reçoit dans sa cellule des menaces de mort : « Michel, c’est nous que tu veux combattre. On va te tuer, retiens-le. Nous connaissons où habitent tes deux femmes. Nous t’avions piégé et nous t’avons eu. Tu n’es pas intelligent. Que le tribunal se prononce, tu verras ».
Frank Masunzu, journaliste- correspondant de la Radio Pole FM à Masisi, un territoire de la province du Nord-Kivu, a été copieusement tabassé, le jeudi 1er août 2019, par un militaire des Forces Armées de la RD Congo. Le journaliste voulait interviewer la population de la localité de Kitshanga, victime de plusieurs exactions militaires.
Après plus d’un mois de fermeture arbitraire, un média proche de l’opposition a été re-ouvert. Aucune déclaration des officiels congolais n’a accompagné cette reprise, ni justifiée les raisons de la fermeture de cette chaine. Il s’agit de la Radiotélévision par Satellite (RTV1) qui a repris ses activités le jeudi 1er août 2019.
Le signal de ce média a été brusquement coupé, le samedi 29 juin 2019, sans aucune notification, verbale ou écrite, adressée aux responsables de ce média. Cette interruption était intervenue au moment où ce média diffusait une émission intitulée « Spécial Lumuka » appelant la population à participer à une marche pacifique, le 30 juin 2019, pour notamment réclamer « la vérité des urnes ». Cette manifestation de l’opposition était interdite, la veille, par l’autorité urbaine au motif que le 30 juin était un jour commémoratif de l’indépendance de RD Congo.
Dorcas Bakanda, journaliste de la Radio Communautaire Rurale FM, station émettant à Mbandaka, chef-lieu de la province de l’Equateur, a été victime, le dimanche 28 juillet 2019, d’une violente agression. La journaliste a été poignardée à ses postérieurs par un groupe d’hommes munis d’armes blanches. Blessée et saignant à flots, Dorcas Bakanda a été dépossédée de son sac à main contenant son téléphone portable, son dictaphone, etc.
Dorcas Bakanda a été attaquée sur son chemin de retour à son domicile après avoir présenté une émission consacrée au décryptage de l’actualité sociopolitique de la province. Dans cette tranche d’émission, elle a critiqué les autorités provinciales en les invitant à pouvoir résoudre le problème de l’inondation récurrente dont est victime la population locale.
JED condamne avec la plus grande fermeté ces attaques dont sont actuellement victimes des journalistes qui doivent pouvoir exercer leur travail dans les meilleures conditions, surtout à l’aube de cette période de l’alternance politique en RDC qui doit marquer une rupture avec les méthodes et pratiques prédatrices de l’ancien régime.
Près de huit mois après son avènement au pouvoir, et en dépit de ses déclarations des bonnes intentions, JED constate avec regret que le nouveau Président de la République Félix Antoine Tshisekedi, n’a pris aucune mesure concrète pour promouvoir la liberté de la presse et assurer la sécurité des journalistes. Lors de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse le 3 mai dernier, il avait pourtant déclaré : « J’entends par quatrième pouvoir que vous avez des droits. Le droit d’être protégé, de parler librement ou d’investiguer (…) ».